Togo/Lutte contre la corruption « La HAPLUCIA ne peut inquiéter la liberté d’aucun suspect » Essohana Wiyao
Bien que juridiquement l’Etat togolais excelle dans la production de texte contre la corruption, pour beaucoup de Togolais, le vrai problème réside dans leur application. La corruption est un sport national au Togo. Tel était le constat désabusé d’un participant d’une des tables rondes citoyenne organisée par la Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA). La HAPLUCIA que le citoyen togolais ne porte pas dans son coeur. Plusieurs observateurs restent convaincus que c’est l’une des folklores face au défi de la lutte contre la corruption au Togo. La question sempiternelle depuis sa création par la loi du 28 juillet 2015 demeure. Que fait la HAPLUCIA face aux gros dossiers de corruption que connaît le pays ces dernières années ? Pourquoi ne joue t-elle pas le rôle de police contre les corrompus et les corrupteurs?
Essohana Wiyao, Président de la HAPLUCIA , lors de la 5ème édition de la Journée africaine de lutte contre la corruption, a tenté de répondre à ces inquiétudes.
Les Togolais émettent le doute sur la crédibilité de la HAPLUCIA depuis sa création. La corruption est un délit au Togo, d’ailleurs l’article 46 de la constitution togolaise punit tout acte de détournement de biens publics, de corruption, de dilapidation dans les conditions prévues par la loi. Pour la plupart des Togolais, le pouvoir de Lomé excelle dans la production de textes contre la corruption, mais le vrai problème se pose au niveau de son application. Pour le peuple, les garants de la loi incarnent tout le contraire et la HAPLUCIA est une pure comédie pour distraire les Togolais.
Lors de la 5ème édition de la Journée africaine de lutte contre la corruption, le Président de la HAPLUCIA, Essohana Wiyao a tenu à rappeler la double mission de prévention de l’institution qu’il dirige depuis sa nomination par décret du 03 janvier 2017.
« Le premier budget d’équipement et de fonctionnement a été alloué au moyen de la loi des finances de 2018 et que l’institution n’est devenue opérationnelle à partir du dernier trimestre 2018. Elle a reçu la double mission de prévention et de répression » a t-il précisé
Essohana Wiyao lontemps critiqué par rapport au manque d’action concrète de son institution pour traquer les auteurs de la corruption afin de décourager ce cancer de notre économie nationale, a tenu à éclairer l’opinion.
« Au titre de la prévention, nous sommes chargés de communiquer, sensibiliser, vulgariser les textes, proposer des mesures. Nous avons entamé cette mission par notre campagne nationale de sensibilisation, placée sous le thème Participation citoyenne à la lutte contre la corruption et les infractions assimilées. Après avoir couvert la région maritime et celle de la Kara, la pandémie dite Covid-19, nous a imposé une année sabbatique. Cette année, nous avons pu reprendre et couvrir les régions des plateaux et centrale. A la fin du mois en cours, nous allons clôturer cette campagne avec la région des savanes. En outre, en collaboration avec l’institution nationale de la statistique et des études économiques et démographiques, nous avons réalisés une enquête sur le coût et la perception de la corruption au Togo dont le rapport a été validé en atelier technique le 06 août 2020. Enfin, je voudrais mentionner notre grand chantier de l’élaboration de la stratégie nationale de lutte contre la corruption et les infractions assimilées, lancé officiellement le 21 mai 2021 » a t-il informé.
Le Président de la HAPLUCIA a été clair, l’institution qu’il dirige n’a reçu les pouvoirs de la police judiciaire.
« Au titre de la répression des actes de corruption, je voudrais préciser que la HAPLUCIA n’a reçu les pouvoirs de la police judiciaire; elle peut donc inquiéter la liberté d’aucun suspect. Concrètement, elle reçoit des plaintes et dénonciations, procède à une pré-instruction, puis elle transmet les cas avérés au procureur de la République compétent qui engage les poursuites. A ce jour nous avons transmis au parquet d’instance de Lomé, les CAN 2013, la route Lomé-Vogan-Afagnan et l’affaire de détournement des derniers publics à la direction des transports routiers et ferroviaires. Nous avons aussi investigué sur les allégations de détournement massifs de fonds publics à la Préfecture de l’Avé. Nous avons pu documenter le détournement d’environ huit millions de FCFA, répartis entre quatre suspects qui ont reconnus plus au moins spontanément leurs fautes et remboursé les montants qui leur sont respectivement imputés. Nous avons donc clôturé cette affaire par un classement sans suite » a t-il précisé.
Parmi les grandes affaires de corruption sur lesquelles la HAPLUCIA est vivement attendue pour gagner la confiance des Togolais, on peut citer la concession du Port autonome de Lomé, qui aurait été accordée au groupe Bolloré en contrepartie de conseils de la filiale Havas au Président Faure Gnassingbé lors de sa campagne en vue de sa réélection pour un deuxième mandat en 2010, ainsi que l’affaire du petrolegate (des sommes importantes issues de la vente de produits pétroliers auraient été détournées par des responsables politiques de premier plan). Le reste c’est du wait and see.
NPA