Crise alimentaire en Afrique de l’Ouest et au Sahel: La Situation de l’insécurité alimentaire demeure encore préoccupante dans 10 pays
Fin à Lomé, des travaux de la réunion du dispositif régional de Prévention et de Gestion des Crises Alimentaires (PREGEC) au Sahel et en Afrique de l’Ouest. La Concertation technique régionale fait des constats et formule des recommandations
Tenue du 10 au 12 avril 2025 , la Concertation technique régionale sur la situation alimentaire et nutritionnelle a examiné les résultats définitifs de la campagne agropastorale 2024-2025, la situation des marchés, les perspectives de la sécurité alimentaire et nutritionnelle et a formulé constats et recommandations.


Les résultats définitifs de la campagne agricole 2024-2025, se sont soldés par une production céréalière de 76,2 millions de tonnes, soit une baisse de 3,4% par rapport aux résultats prévisionnels de décembre. Cette situation résulte principalement de la révision à la baisse significative de la série des productions céréallères en Guinée. Des baisses légères ont également été enregistrées au Mali, au Cap-Vert et en Gamble. Malgré ces diminutions, la production céréallère régionale enregistre une hausse de 3% par rapport à la campagne précédente et à la moyenne quinquennale. En revanche, la production moyenne de céréales par habitant accuse une baisse de 5% par rapport à la moyenne des cinq dernières années.
Concernant les racines et tubercules, la production régionale s’élève à 271 millions de tonnes, soit une augmentation de 4,5% par rapport à l’année dernière et de 10% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Toutefois, elle s’avère légèrement inférieure aux prévisions initiales.
Les productions des cultures de rente sont aussi en hausse, excepté celles de noix de cajou et du soja, qui ont connu des baisses de l’ordre de 10% par rapport à l’année dernière.

Le bilan céréalier révisé de la région fait ressortir un déficit brut de 16 millions de tonnes, supérieur aux 12 millions initialement prévus. En tenant compte des intentions d’importation, estimées à 18,5 millions de tonnes de céréales, un excédent net d’environ 2,5 millions de tonnes pourrait être dégagé, contre 7 millions de tonnes en prévisionnelle.
S’agissant de la situation pastorale au 31 mars, la disponibilité en pâturage au Sahel reste insuffisante malgré les bonnes productions fourragères enregistrées en fin de campagne, avec un déficit saisonnier notable de biomasse fourragère dans les régions de Niamey et Dosso (Niger), Tombouctou, Gao et Ménaka (Mali), le nord-est du Burkina Faso et l’est du Tchad. Cette pénurie pousse les transhumants à migrer vers les zones du Golfe de Guinée, où les ressources fourragères sont plus abondantes. Les feux de brousse ont également détruit de vastes étendues, aggravant ainsi la situation. La situation sanitaire animale est stable, mais l’accès à l’eau pour le bétail est de plus en plus problématique dans les zones sahéliennes, souvent manqué par des tensions autour des points d’eau surpeuplés. Les restrictions sur la transhumance transfrontalière et l’insécurité civile limitent les déplacements des pasteurs, entraînant une concentration accrue du bétall dans les zones perçues comme plus sûres et une modification des itinéraires habituels.
Dans l’ensemble, le fonctionnement des marchés agricoles est satisfaisant, sauf dans les zones affectées par l’insécurité civile où les approvisionnements sont relativement plus faibles et les demandes des ménages plus fortes que d’habitude.
Les prix des principales céréallères de base sont toujours en hausse dans la majerité des pays de la région de l’ordre de 10 à plus de 100% par rapport à la moyenne des 5 dernière années. Ces hausses sont encore plus accentuées au Ghana (100%), en Sierra Leone (62%), au Nigeria (+200%) et particulièrement dans les zones d’insécurité civile où les approvisionnements sont plus difficiles. Les inflations dues aux difficultés économiques au Ghana, au Nigeria, en Sierra Leone et en Gamble restent l’un des facteurs importants sous-jacents. A cela s’ajoute la hausse des prix du carburant au Nigeria, du cout du transport et les restrictions diverses prises par plusieurs pays pour réduire les flux transfrontaliers des produits agropastoraux.
Sur les marchés à bétail, les prix des animaux restent toujours en hausse dans l’ensemble par rapport à la moyenne 5 dernières années. Les termes de l’échange bétall/céréales sont toujours en défaveur des éleveurs à cause de la hausse Importante des prix des céréales, ce qui affecte négativement les movens d’existence des éleveurs.Sur les marchés internationaux, les prix des produits alimentaires restent globalement stables. Les prix mondiaux à l’exportation des huiles végétales et de la viande sont en hausse, tandis que ceux des céréales et du sucre enregistrent une baisse. Les prix du lait, quant à eux, demeurent inchangés. Il convient toutefois de noter que la baisse des prix de certains produits alimentaires au niveau international n’entraîne pas nécessairement une diminution des prix des denrées importées qui restent élevés dans la région, cette situation s’explique notamment par des facteurs logistiques, des coûts de manutention et d’autres contraintes spécifiques aux marchés régionaux.
Les dernières analyses de la malnutrition aigue avec l’outil IPC, montrent une situation préoccupante dans les pays du Sahel avec plusieurs zones classées en situation Sérieuse et plus (Phase 3+ de I’TPC AMN). La détérioration de la situation nutritionnelle est plus marquée au Tchad, au Nord-est du Nigéria et au Mali, où le site PDIs de GAO a atteint un niveau extrêmement critique (Phase 5 de l’IPC AMN).
La situation de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle évaluée dans dix pays de la région demeure encore préoccupante. En effet, les résultats consolidés de l’analyse du Cadre Harmonisé du cycle de Mars révèlent que, sur une population totale analysée de près de 323,6 millions de personnes, 34,5 millions de personnes sont actuellement en Insécurité alimentaire et nutritionnelle algué (Phase 3 ou pire) dans la région Sahel et Afrique de ‘Quest et au Camergun. Le situation pourrait se dégrader, si des mesures appropriées ne sont pas prises, ce chiffre atteindrait environ 49,4 millions entre juin et aout 2025 dont plus de 30,6 millions au Nigéria, suivi du Tchad avec plus de 3,3 millions, le Cameroun avec plus de 2,6 millions, le Niger avec plus de 2,2 millions, du Mali avec plus de 1,5 million, du Sénégal avec plus 1,3 millions et de la Sierra Léone avec, plus de 1,2 millions. Il faut noter que plus de 2,4 millions de personnes seront en urgence (Phase 4) localisé dans plusieurs pays dont la moitié se trouve au Nigéria. Environ 2 645 personnes vivant dans la région de Ménaka au Mali pourrait être en une situation de Catastrophe (Phase 5). Par ailleurs, l’analyse Cadre Harmonisé montre qu’une situation alarmante des populations déplacées dans plusieurs pays, notamment au Tchad où environ 1 616 853 personnes déplacées, suite à la crise soudanaise. Près de 356 000 personnes sont classées en phase 3 à plus du CH et pourrait atteindre 456 397 en insécurité alimentaire et nutritionnelle aiguë (Phase 3 ou pire) dans la période de soudure si des mesures adéquates ne sont pas prises au bénéfice de ces populations spécifiques. Cette analyse ne prend pas en compte le Burkina Faso, le Libéria et le Togo.
L’insécurité civile a engendré des déplacements massifs de populations. La région du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest abrite 2,400,000 réfugiés répartis principalement au Tchad, au Cameroun, au Niger et 7,800,000 de PDIS répartis principalement au Nigeria, au Burkina Faso, au Cameroun, au Mali, au Niger et au Tchad.
La Concertation a formulé des recommandations.
A l’endroit des Etats:
Allouer dans les budgets nationaux des fonds souverains destinés à financer la collecte des données ; Apporter une assistance alimentaire et nutritionnelle immédiate aux populations en urgence et en crise alimentaire;
Mobiliser les ressources financières pour l’élaboration et la mise en œuvre des plans nationaux de réponse intégrant les besoins pastoraux; Prendre des mesures idoines pour atténuer la hausse des prix des denrées de base pour améliorer l’accès des populations vulnérables à la nourriture
À l’endroit des OIG: CILSS, CEDEAO, AES et UEMOA
Renforcer les systèmes d’information sur les Actions Anticipatoires dans la région;
Fournir aux pays du Sahel, d’Afrique de l’Ouest et au Cameroun des analyses croisées des facteurs contextuels, tels que la recomposition des processus d’intégration régionale ou encore le différend commercial entre la Chine et les États-Unis, susceptibles d’avoir un impact négatif sur les marchés ; Conduire le plaidoyer pour convaincre les Etats à lever les restrictions sur la libre circulation des produits agricoles dans la région en conformité avec les engagements communautaires;
Poursuivre le renforcement des capacités des Cellules Nationales d’Analyse du Cadre harmonisé ; Mettre en œuvre d’interventions coordonnées à grande échelle visant ces défis majeure et axée sur la prévention de la malnutrition aigüe pour amorcer la réduction des prévalences très élevées.
À l’endroit des partenaires techniques et financiers:
Poursuivre la mobilisation des ressources destinées à la réponse et à l’opérationnalisation du nexus Humanitaire-Développement-Paix afin de créer la cohérence et la complémentarité des actions dans les pays;
Appuyer les pays dans les enquêtes et dans la mise en œuvre de leurs plans nationaux de réponses ;