Angoisse et colère dans les rangs des frigoristes et commerçantes de poissons et dérivés au Togo

A travers des cris de désespoir, frigoristes et commerçantes de poissons lancent un appel solennel au Chef de l’Etat et au gouvernement . Plus rien ne marche dans leur secteur.
Au Togo, il est imposé aux frigoristes et commerçants de poissons, viandes de volaille et dérivés d’acquérir au moins 10% de la quantité demandée en tilapia local. Une mesure qui, pour le gouvernement, vise à renforcer la production nationale en incitant les acteurs du secteur à privilégier les produits locaux. Cette décision s’inscrit également dans la volonté des autorités de soutenir les producteurs locaux. L’Etat entend ainsi pallier les difficultés rencontrées par les producteurs togolais, dont les volumes de production restent insuffisants pour couvrir la demande nationale, mais qui peinent paradoxalement à trouver preneur sur le marché local.
Malheureusement sur le terrain, les acteurs directs vivent le martyre. La vérité est têtue. « Nous ne vendons pas. Les gens n’achètent pas le tilapia local». Cette phrase est répétée comme un refrain par la plupart des bonnes dames.
Les frigoristes et commerçantes, piliers de l’économie nationale, se retrouvent régulièrement endettés. La détresse se lit sur les visages. Face à cette symphonie, l’unanimité est faite. Quelques commerçantes ne cachent pas leur émotion à notre micro.
« Nous sommes fatigués. On viendra bientôt nous arrêter et nous enfermer pour n’avoir pas remboursé nos dettes. Nous n’arrivons pas à vendre le tilapia local. Tu achètes le tilapia à 5 mille pour le revendre à 2 mille. Si tu l’achètes à 10 mille, tu seras obligé de le revendre à 4 mille de peur que le produit reste avec toi. Le scénario se répète tous les jours. Avant, tu pouvais acheter le kilo à 1200 F ou 1300 F. Aujourd’hui, le kilo du tilapia local est à 2300 F et nous n’arrivons pas à le vendre. Comment allons-nous nous en sortir ? Les gens refusent d’acheter le tilapia et disent qu’il n’a pas de goût comme ce qu’ils achetaient avant », a confié une revendeuse.


Ces femmes voient leur source de revenu menacée. Toutes confient que leur commerce est devenu un combat pour la survie.
« On nous impose le tilapia local. Quand tu vas chercher ta marchandise au frigot, tu dois obligatoirement prendre le tilapia. Tu achètes un carton de produits congelés, tu dois obligatoirement prendre 3 kilos de tilapia sinon on ne te vend pas. On nous dit que c’est pour soutenir les producteurs locaux. Mais nous qui vendons en détail, on ne s’en sort pas parce que les gens ne veulent pas manger du tilapia. C’est comme si on nous mettait la corde au coup. Qu’allons-nous devenir ? Nous ne vendons pas. On roule à perte », s’est indignée une autre commerçante.
La situation a étreint les frigoristes du Togo qui n’en peuvent plus. Le prix du tilapia ayant grimpé et la mévente étant réelle , ces acteurs sont décontenancés. Ils souhaitent que leur commerce ne soit pas un vassal du tilapia local.

« Nous vivons une situation difficile depuis l’interdiction d’importer du tilapia dans notre pays. Le prix qui hier était à 10 mille ou 11 mille, a grimpé voire doublé. Pire, on nous impose le tilapia local sur le terrain. Aujourd’hui , si vous achetez 100 kilos de produits congelés, vous devez automatiquement prendre 10 kilos de tilapia local dont le kilo coûte 23 mille. Si vous n’arrivez pas à le vendre, vous perdez ces 23 mille. De gré ou de force, tu dois prendre les 10% de tilapia quand tu vas pour acheter du poisson, de la viande de volaille ou leurs dérivés. Or visiblement, les gens n’arrivent plus à consommer le tilapia parce que c’est devenu un luxe. Aussi, plusieurs consommateurs se plaignent de la qualité et par moments de l’odeur du tilapia. Nous n’arrivons plus à écouler nos produits. Ils finissent par pourrir dans nos frigos. La situation est grave. A cette allure, nous allons fermer », a lancé un frigoriste.
En clair, la situation est devenue une casse-tête pour ces acteurs qui lancent un cri de détresse à l’endroit des autorités.

« Notre activité va en déclin. Nous sommes à bout de souffle. Nous appelons le gouvernement à revoir fondamentalement le prix du tilapia local sur le marché. Oui, nous adhérons à la consommation locale, mais le prix du tilapia local doit être à notre portée et celle des consommateurs. Sinon à l’heure actuelle, les gens n’achètent plus le tilapia local. C’est peut-être ceux qui ont les moyens qui viennent rarement le chercher », a renchéri un autre frigoriste.
Ces acteurs lancent un appel au Chef de l’Etat Faure Gnassingbé et au gouvernement pour sauvegarder leur gagne-pain.
La rédaction