Conférence sur la dette africaine : Faure Gnassingbé appelle l’Afrique à reposer les termes du débat

Le Togo au cœur de la réflexion sur la dette africaine. Ce lundi 12 mai 2025, Faure Essozimna Gnassingbé, Président du Conseil de la République du Togo a proclamé la Conférence sur la dette publique à l’échelle du continent, unique opportunité de construire une approche unifiée.

Lomé redéfinit depuis lundi l’approche africaine à travers un événement historique. Les plus hauts dirigeants africains, les institutions financières internationales et les experts économiques les plus reconnus séjournent dans la capitale togolaise pour trouver la recette face à la crise multiforme de l’Afrique.

En effet, l’Afrique traverse une période critique de son histoire économique. La dette extérieure du continent a connu une progression vertigineuse, passant de 39 milliards de dollars américains en 1976 à plus de 650 milliards en 2023. Cette explosion de l’endettement
place aujourd’hui 25 pays africains dans une situation de détresse ou à haut risque de surendettement. Plus alarmant encore, plus de 30 nations du continent consacrent désormais davantage de ressources au service de leur dette qu’aux dépenses de santé publique, compromettant ainsi le bien-être de leurs populations.

Pour Faure Gnassingbé, Président du Conseil, il faut reposer les termes du débat.

« Nous devons reposer les termes du débat : la viabilité de la dette ne peut être une camisole budgétaire imposée de l’extérieur. Je pense que les cadres d’analyse de la dette aujourd’hui en vigueur sont largement obsolètes, voire contre-productifs. En effet, les indicateurs sont inadaptés, les modèles trop conservateurs, et les critères de soutenabilité tiennent plus de l’automatisme technique que du bon sens politique. Les méthodologies actuelles sont conçues pour contraindre, pas pour accompagner.
Souvent elles sous-estiment les recettes, surestiment les risques, et créent un effet auto-réalisateur de resserrement budgétaire. Elles produisent presque systématiquement des prévisions pessimistes, générant une spirale d’ajustements permanents et d’austérité préventive, qui bride notre capacité à investir dans l’avenir.
Pire : elles pénalisent les pays qui innovent, qui investissent, qui prennent des risques pour le développement. Elles deviennent même parfois des prophéties autoréalisatrices : à force de demander des coupes budgétaires, on détruit les conditions mêmes de la croissance. On constate aujourd’hui l’assèchement progressif de l’aide extérieure, la hausse des taux d’intérêt, les incertitudes géopolitiques mondiales, et la réduction des financements climatiques. On ne peut plus continuer à appliquer une telle grille conservatrice quand nos pays sont, en réalité, confrontés à des obligations de transformation urgente. Il faut donc discuter avec les institutions financières internationales des critères qu’elles utilisent.
Pour cela, l’Afrique a besoin d’une nouvelle doctrine sur la dette. Une doctrine où l’endettement n’est pas considéré comme un mal en soi, mais comme un outil de transformation, à condition d’être bien utilisé et bien encadré. Nous ne pouvons plus accepter que nos États soient évalués uniquement à travers la taille de leur déficit, et sans tenir compte des efforts réalisés pour préparer l’avenir. Il faut intégrer dans les raisonnements la qualité de nos investissements et leur rentabilité sociale, leur contribution à la résilience climatique comme à la diversification économique. Une approche plus dynamique de la viabilité de la dette est possible. C’est une approche qui prend en compte le cycle des investissements, la stabilisation régionale, et les effets de levier à long terme. Ceci me conduit à mon troisième point »,
a-t-il déclaré.

La Conférence de Lomé trouve écho grâce au thème: « Agenda de gestion de la dette publique en Afrique: restaurer et préserver la viabilité de la dette ». L’Afrique prêche une position commune continentale. Il s’agit de sortir des anciennes habitudes, celles de négocier individuellement avec leurs créanciers, affaiblissant leur pouvoir de négociation collectif.

La Conférence de Lomé ambitionne ainsi de proposer des mécanismes innovants de financement adaptés aux réalités africaines.

Pour le Président du Conseil, Il est temps de dire aux partenaires que leur propre avenir dépend de la stabilité du continent. Une stabilité qui exige des ressources, pas des injonctions.

« Il ne s’agit pas d’aide humanitaire, mais d’investissement stratégique. Nous ne demandons pas un droit à l’irresponsabilité, mais le droit à un développement responsable. Il faut porter ce message auprès de tous nos partenaires », a-t-il précisé.

Occasion pour Faure Gnassingbé de s’adresser aux Africains.

« Toutefois, ici à Lomé, je ne veux pas m’adresser seulement à nos partenaires extérieurs. Au contraire. Je veux m’adresser d’abord et avant tout à tous les membres de l’Union Africaine. Et cela m’amène à mon cinquième et dernier point. Nous devons développer sur la question de la dette une ambition africaine collective qui mette la priorité sur notre souveraineté, notre solidarité, et notre stabilité régionale. Notre continent n’est pas le problème aujourd’hui, il est une part de la solution de demain. Nous avons les ressources, la jeunesse, les talents pour être un moteur de stabilité et d’innovation. Mais cette solution, on ne peut l’incarner que si nous disposons des outils pour le faire.
Ma conviction est que l’Afrique a certainement un problème de dette, mais elle a un problème de coordination. Une dette isolée, gérée pays par pays, sans vision continentale, conduit à l’impasse. En revanche, une dette organisée, appuyée par des institutions régionales solides, et orientée vers des projets structurants communs, peut devenir un moteur d’intégration et de croissance. C’est pourquoi la question de la dette n’est pas uniquement une question de chiffres. C’est d’abord une question de choix collectifs »,
a-t-il martelé.

La Conférence de l’Union africaine sur la dette de l’Afrique s’étire sur trois jours. Le point d’orgue des travaux sera la déclaration de Lomé.

La rédaction

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